Peut-on déshériter par testament ?
En pratique, il est possible pour un testateur de déshériter un héritier ab intestat, via la procédure d’exhérédation, laquelle est subordonnée à certaines conditions pour être valable.
Au préalable, il sera rappelé qu’un héritier réservataire ne peut pas être privé de sa réserve. Cette disposition est d’ordre public.
La procédure pour déshériter un héritier ne s’applique donc qu’à ceux qui ne sont pas héritiers réservataires.
Cet article fait un point sur la procédure pour déshériter un héritier, et les conséquences qui peuvent en découler.
La procédure pour déshériter par testament
Pour déshériter un héritier, un écrit est absolument nécessaire.
En pratique, le testateur écarte dans un testament un ou plusieurs héritiers, et dispose de la possibilité d’en instituer un ou plusieurs autres.
Conformément aux dispositions de l’article 724 du code civil, si un testateur déshérite tous ses héritiers dans un testament, son actif successoral passe alors à l’Etat.
Lorsqu’un héritier fait l’objet d’une procédure d’exhérédation, il ne reçoit rien de la succession du testateur. Il n’y a donc aucun frais de succession à régler.
L’exhérédation consiste dans la manifestation de la volonté d’un testateur de priver, par voie de testament, un ou plusieurs héritiers présomptifs de ses droits successoraux.
Toutefois, s’il est héritier réservataire, il recevra a minima la part de sa réserve. Celle-ci ne peut en aucun cas lui être retiré.
A noter que la protection de la réserve d’un héritier réservataire n’est pas automatique. Bien que la réserve soit de droit, il est indispensable que l’héritier réservataire exerce une action en contestation si le testateur le déshérite.
Si un héritier non réservataire fait l’objet d’une procédure d’exhérédation, la succession est alors dévolue aux autres héritiers du défunt. Dans ce cas, leurs droits sont accrus s’ils sont du même ordre et degré que celui qui est évincé. Le cas échéant, cela peut permettre à un héritier appartenant à un ordre inférieur d’intervenir à la succession du défunt.
Si le testateur prend le soin de désigner par testament un légataire universel, l’exhérédation sera alors considérée comme implicite.
Le légataire universel est la personne qui recueille l’intégralité du patrimoine du défunt.
S’agissant du conjoint survivant, un testament peut l’exhéréder en présence de descendants du défunt. A noter toutefois qu’il n’est pas possible de priver le conjoint survivant de ses droits successoraux légaux (en particulier le droit temporaire au logement et au mobilier d’une durée d’un an), via un testament.
Dans le cadre d’un testament, il est possible pour le défunt d’évincer son conjoint de sa succession au profit de ses enfants. Il peut également le priver du droit viager au logement, mais uniquement si celui-ci fait partie de ses biens propres.
L’exhérédation à titre de sanction
La procédure d’exhérédation peut être utilisée à titre de sanction.
C’est notamment le cas lorsque cette procédure est utilisée comme une menace exercée au moyen d’une clause pénale.
La clause pénale peut ainsi être prévue dans l’hypothèse où un héritier n’aurait pas exécuté des dispositions testamentaires.
Il sera fait observer que certaines clauses pénales ont été admises par les tribunaux lorsqu’elles ont pour objet de priver un héritier de la quotité disponible.
A titre d’exemple, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la contestation d’un testament par un héritier (non-réservataire) peut justifier la mise en œuvre d’une clause pénale le privant de son héritage, si les dispositions testamentaires n’impactent pas les règles d’ordre public concernant la réserve héréditaire (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 00-11.574 FS-P).
A noter que les juges exercent un contrôle de proportionnalité sur la clause pénale afin d’en valider les dispositions.
A titre d’exemple, une clause pénale pourrait être jugée illicite si elle porte atteinte aux droits de l’héritier non-réservataire d’agir en justice (Cass. 1e civ. 16-12-2015 n° 14-29.285 FS-PBI).
Si cette atteinte n’est pas caractérisée, et que donc la clause pénale est proportionnée, celle-ci serait alors applicable aux personnes ainsi déshéritées.
Il sera en outre fait observer que si la clause pénale est réputée non écrite, elle devient non applicable, mais le reste des dispositions testamentaires demeurent applicables.
Il est possible de faire annuler un testament s’il n’a pas été établi dans les conditions prévues par la loi. Dans ce cas, l’héritier mécontent doit obligatoirement saisir la justice, et apporter la preuve, le cas échéant, que le testateur l’ait rédigé sous la contrainte, ou qu’il ne disposait pas des facultés mentales nécessaires à sa rédaction.
Il vaut donc mieux être conseillé par un spécialiste pour la rédaction du testament pour éviter toute erreur qui pourrait avoir des conséquences néfastes.
Cette tribune a été rédigée par notre équipe.